OBIT ET HOBBY

Toujours en quête de la moindre info sur les CANIVET des temps passés, je suis tombé sur un document consigné aux Archives Départementales de l’Orne, mis en ligne par Monsieur Jean-Pierre BREARD. Quelques lignes sur un total de trente-huit pages évoquent un couple porteur de mon nom :

« N° 38 : La fondation faite par Jean CANIVET et sa femme en 1446 réduite à une messe basse par chacun an et à participer comme dessus »(1)

Le document mis en ligne AD 61 date du 18 janvier 1668. Il se trouve aux Archives de l’Orne puisque, sous l’Ancien Régime, Falaise appartenait au diocèse de Sées et n’a intégré celui de Bayeux qu’en 1801. Ce document autorise le clergé de la paroisse St-Gervais, à Falaise, à réduire certaines obligations anciennes. En l’espèce, en 1446, les époux CANIVET avaient constitué une fondation afin que leur mémoire soit honorée à l’occasion d’au moins une grand messe annuelle chantée. La fondation était faite à perpétuité au moyen d’un capital placé en rente, dont les intérêts servaient à payer l’office. Ce n’est donc que deux siècles plus tard, en 1668, que l’évêque réduit les obligations faites au clergé à une messe basse annuelle.

BNF dessin du 18e s.

Eglise St-Gervais à Falaise (14). dessin du 18e s. (BNF)

On peut supposer que ces CANIVET étaient assez fortunés pour que le capital remis suffise à financer une messe annuelle pendant des siècles. Pour le moins, il faut constater que cette fondation était une des plus anciennes des quatre-vingt-seize conventions réduites ce jour-là.

Que peut-on dire d’autre à propos de cette trouvaille ?

Durant le Moyen-Âge, Falaise était bien plus qu’un anonyme chef-lieu de canton. Au XIème siècle, la cité fut une première fois la capitale de la Normandie, plus précisément sous le règne du Duc Robert le Magnifique. Son fils, Guillaume le Conquérant, certainement le plus célèbre des Normands, y vit le jour. Mais celui-ci, au fur et à mesure de l’extension de ses possessions, éloigna le pouvoir politique de sa ville natale, privilégiant Rouen, Caen (qu’il fonda) ou, après 1066 (et la conquête de l’Angleterre) Londres. Il faut en effet rappeler que pendant quelques temps, Guillaume et ses descendants seront à la fois rois d’Angleterre et vassaux du Roi de France en tant que feudataires de la Normandie. En 1204, notamment après avoir assiégé Falaise, le roi de France Philippe Auguste rattache directement la Normandie à son Domaine Royal. Falaise redevient très provisoirement la capitale de la Normandie. Jusqu’au début du XIVe siècle, Falaise est encore, avec Caen et Rouen, le siège des sessions judiciaires de l’Échiquier. Par la suite, la Guerre de Cent ans n’épargnera pas le château et la ville. En 1417-1418, les Anglais s’en emparent après un siège de cinq mois. Ils n’en repartiront qu’en 1450. Falaise est donc sous domination anglaise lorsque Jean CANIVET et son épouse constituent leur fondation, en 1446.

J’ignore s’ils ont un quelconque lien avec le Fief et les bois de Canivet qui se trouvent à quelques kilomètres de Falaise. J’ignore également s’il y a un lien entre ce couple falaisien et leur contemporain Eustache CANIVET, lieutenant-général du bailli anglais, qui remit les clés de la ville de Caen aux Français à l’issue d’un autre siège de 1450. En fait, j’ignore tout d’eux, à part qu’ils étaient paroissiens de Saint-Gervais en 1446…

Notez toutefois que cette paroisse St-Gervais de Falaise est depuis quelques temps déjà le théâtre de mes flâneries généalogiques puisque le Docteur CANIVET, dont je vous ai déjà maintes fois parlé, habitait à quelques pas de cette église. Simple coïncidence ou hoquet de l’Histoire ? Y-a-t-il un lien entre le Doc’ et ces CANIVET médiévaux ? En bon normand, je répondrai peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Vers 1700, on n’a que quelques foyers de CANIVET dans les limites de l’actuel Calvados et donc, on pourrait n’avoir que quelques individus-souche aux temps de Jean CANIVET et de sa femme, au XVème siècle. Je ne saurais probablement jamais si le Doc’ et moi-même descendons de Jean ou d’Eustache, mais ça reste une éventualité.

Au-delà de ces quelques bribes de vie, le document mis en ligne par Jean-Pierre BREARD a au moins le mérite de raviver la mémoire de ce couple médiéval et de me signaler une source à laquelle je n’avais jamais pensé jusque là.

Ou comment l’obit (la messe anniversaire) rejoint le hobby (la passion de l’histoire et de la généalogie)…

Christophe Canivet (Lignée 026)

(1) Source : Sées (Evêché) (Orne, Normandie, France) | 1666 – 1670 | AD61 1G87. Registres du Secrétariat et de la Comptabilité de l’évêché de Sées . vue 23/38.

 

One Response to OBIT ET HOBBY
  1. Christophe CANIVET 21/12/2015 à 15:19

    Pour ceux qui voudraient en savoir plus,
    voir l’étude “Les bourgeois de Caen, la mémoire et l’au-delà (1396-1500)” de Denise Anger
    http://www.unicaen.fr/mrsh/craham/revue/tabularia/dossier7/textes/05angers.pdf

    Parmi les donateurs qui y sont étudiés, un autre contemporain de Jean et d’Eustache

    Il s’agit de Jean QUENIVET, qui fait sa donation en 1485, donation que ses héritiers contesteront après sa mort. Il y a quelques semaines,j’avais déjà fait sa connaissance comme curé de la paroisse de Vaucelles à Caen

Log in to post a comment.