LE CHAT DE LEAUPARTIE (I) – Le témoignage de René Canivet : un chat revenant du Sabbat

Il était une fois un pays de tourbières et de marécages, où la terre n’était pas vraiment de la terre, où l’eau n’était pas vraiment de l’eau. Aux abords de ces marais sans âge se trouvait la petite ville de Carentan. Et, tout près de cette cité, se dressait le manoir de Léopardi[1]. Oh ! Ce n’était pas la seule terre normande qui portait le nom d’un animal que nul n’a jamais vu en ces contrées. Même les ducs en avaient fait leur emblème. Ce n’était qu’une chose étrange parmi tant d’autres dans ce pays nimbé de brouillard, où tout se confondait, surtout dans ces temps qui ne connaissaient pas encore ni la Philosophie des Lumières, ni la fée Électricité. Les veillées y étaient bien longues lors des interminables nuits d’hiver où le vent soufflait en tempête, frappant les esprits les plus faibles…

chat-en-colere-532cc1f1wIl y a fort, fort longtemps, en l’an 1646, le seigneur de ce domaine, René CANIVET (lignée 006), écuyer, sieur de Léaupartie, Barbe[2] Symon, sa femme, et Charles Symon, seigneur de Beaulieu, son beau-père, portèrent le témoignage suivant à propos de Bon-Antoine Le Sauvage, en son vivant écuyer, capitaine des Ponts-d’Ouve et premier lieutenant de la marine du Ponant. Celui-ci, passant au lieu-dit de la Croix de Méautis, avisa un grand nombre de chats sur un arbre, chats qu’il mit en fuite d’un coup de pertuisane. A sa grande surprise, l’un d’eux, touché à la cuisse, laissa tomber un trousseau de clés. Le gentilhomme ramassa les clés et pressé par la pensée de son prochain repas, il eut bientôt regagné sa forteresse. Arrivé à son logis, il n’y trouva pas sa femme et rien ne prouvait qu’elle eut pensé à préparer le souper. Tout à sa faim, il chercha alors la clé du cellier et sa quête restant vaine, son regard se porta sur le trousseau abandonné par le chat. Il y reconnut la clé qu’il cherchait. C’est alors que sa femme arriva, d’un pas chancelant, blessée à la cuisse. Rudement reçue par son mari, elle finit par avouer en pleurant, qu’elle avait été blessée près de la Croix de Méautis en revenant du sabbat à Etencelin[3].

Cela eût pu n’être qu’une belle légende, une fable destinée aux enfants, si ce n’est que les personnages cités étaient bien réels, que ce témoignage avait été porté devant un tribunal et que le manoir fut peut-être même livré à un exorciste.

A suivre…

Christophe Canivet (L 026)


[1]Nous naviguons là sur la Carte de Cassini qui indique Leopard ou Leopardi, en intervertissant ce hameau avec celui de Beaumont.

[2]Charlotte à l’état-civil

[3]Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg (1871) : Nouvelles recherches sur des prétendues possessions diaboliques à Carentan , par M. DE PONTAUMONT. L’auteur ne précise pas exactement dans quelle dossier de procédure il a retrouvé ce témoignage. Est-ce dans un dossier autonome ? Dans l’affaire des sorciers de Carentan ? Dans l’affaire des filles du Sieur de Léaupartie?

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