challenge AZ – V comme Voisine assassinée

Il y a plusieurs manières de pratiquer la généalogie. Certains aiment accumuler les dates et les actes d’état-civil, identifiant un maximum d’individus. Personnellement, j’aime bien resituer mes ancêtres dans leur contexte, visiter les lieux tels qu’ils les ont connus, retrouver leurs traits de caractère, leurs petites habitudes, leur entregent…

assassinLe dimanche 12 juillet 1936[1], alors que les Français découvrent les congés payés, à Mouen, à quelques kilomètres de Caen, se déroule une scène bien banale : deux vieilles dames sortent de la grand’messe. L’une, Mlle Noémie BAZIRE, est une vieille fille de 65 ans, renfermée, taiseuse, vivant seule depuis la mort de ses parents de nombreuses années plus tôt. L’autre, la veuve CANIVET, ma trisaïeule[2], 72 ans, vit seule depuis quelques mois à peine, depuis la mort de son mari en février dernier. Elles sont amies sans vraiment l’être, elles se connaissent sans vraiment se connaître, comme deux voisines appelées à se croiser presque quotidiennement, dans la rue ou chez les commerçants du village, et à échanger quelques mots, sans plus, compagnes de solitude.

Marie A Canivet-Epert, Mouen 1936

Marie A Canivet-Epert, Mouen 1936

Parvenues dans leur hameau du Bas-de-Mouen, elles se quittent, Mlle BAZIRE habitant tout au bout du chemin de terre, la dernière maison avant les champs. La Veuve CANIVET ne va jamais si loin. Elle n’a même jamais passé le mur d’enceinte de la cour. Sans doute leurs maisons se ressemblent-elles, mais elle ignore tout de l’intérieur et des habitudes domestiques de sa voisine.

Deux jours passent. Mon ancêtre s’étonne de ne pas avoir revu Noémie BAZIRE. Elle se rend chez elle. Le portail est fermé. Personne ne lui répond. Elle va chercher le maire du village qui n’obtient pas plus de résultat. Il revient avec une échelle et escalade le mur d’enceinte. Tout est fermé. Toujours pas signe de vie… Il fait le tour de la maison et trouve une fenêtre ouverte, à l’étage. Par chance, celle-ci donne sur l’escalier. Les chambres sont fermées à clé. Il descend. Dans le vestibule, rien d’anormal. Puis, au fur et à mesure qu’il progresse au rez-de-chaussée, il trouve les indices qui montrent que la maîtresse des lieux était bien rentrée chez elle : ses sabots dans le couloir, son chapeau et son parapluie sur la table de la salle à manger, son livre de messe et ses gants, par terre… Dans l’embrasure de la porte de la laverie, son corps, les bras en croix.

Les premiers éléments de l’enquête, fondés sur les observations d’un simple médecin de ville, laissent croire que la vieille dame a été étranglée, son cou étant marqué. Le journaliste, vraisemblablement en mal de sensations dans cette campagne habituellement paisible, évoque même un viol. Pendant que le praticien opère, les gendarmes reprennent l’échelle pour accéder aux chambres (ils n’ont pas trouvé la clé sur le cadavre ?). Tout y est chamboulé. De toute évidence, un cambrioleur a cru pouvoir profiter du fait que la paroissienne effectuait son devoir dominical.

 Ce n’est pas la première fois. Elle a déjà été cambriolée l’hiver dernier. Mais elle n’avait pas porté plainte, ce premier voleur n’étant reparti qu’avec quelques dizaines de francs. Malheureusement, cette fois-ci, l’intrus ignorant probablement que la messe venait d’être avancée d’une heure (le même curé devant desservir Cheux et Mouen), il fut surpris par le retour de Mlle BAZIRE.

Après autopsie, impossible de dire s’ils se sont réellement croisés voire s’il a frappé sa victime (le légiste estimant les marques constatées par le premier médecin pouvaient être tout aussi bien provoquées par un coup porté par l’agresseur que par la chute au sol). Mais quoi qu’il en soit, la voisine de mon ancêtre succomba , à ce moment-là, à une crise cardiaque… Morte de peur.[3]

 Dans le dernier article relevé, les enquêteurs suspectaient un repris de justice, le Père NOËL, sorti de la prison de Caen le matin même du drame. Mais celui-ci niait les faits. Un autre article du même numéro évoquait un adolescent qui avait piqué dans la caisse de sa patronne… [4]

Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’articles relatant la suite de l’affaire et je ne sais donc si le suspect a fini par avouer et si l’affaire l’amena aux Assises ou simplement au Tribunal correctionnel.

 mouen

Au delà de ce fait divers tragique, j’aurais appris deux ou trois choses de ma trisaïeule. Je connais un peu mieux son hameau,. J’imagine que sa maison ressemblait à celle de sa voisine, qu’elles allaient à la messe ensemble et qu’elles partageaient peut-être d’autres habitudes de vieilles dames seules…

Auteur : C. Canivet (Lignée 026)

 


[1]Ouest-Eclair ed. Rennes 15/07/1936

[2]Marie Aimée EPERT (1864-1957) veuve de Georges CANIVET (1858-1936), Jules Georges Stanislas pour l’état-civil. L’essentiel de l’étude se réfère aux articles de l’Ouest Eclair, mais seul Le Petit Dauphinois du 15/07/1936  donne le prénom du défunt mari

[3]Ouest-Eclair 16/07/1936

[4]    Ouest Eclair 24/07/1936

One Response to challenge AZ – V comme Voisine assassinée
  1. Christophe CANIVET 02/03/2016 à 09:14

    Je viens de trouver deux nouveaux reportages d’époque de ce drame.
    Ils m’apportent quelques détails (parfois contradictoires) et surtout une photo de mon aïeule et des lieux

    https://criminocorpus.org/fr/bibliotheque/page/99577/
    https://criminocorpus.org/fr/bibliotheque/page/83789/

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