On peut le constater en consultant les bases de données de la Grande Famille Canivet, notre patronyme est surtout présent dans les pays d’oïl (nord et ouest de la France, Belgique…). Pourtant, un CANIVET est à lier directement avec le plus célèbre chantre des confins du Languedoc et de la Provence. Qui n’a pas entendu parler de la chèvre de Monsieur Seguin, de la mule du pape, de Tartarin de Tarascon, des lettres de mon moulin, des contes du lundi, du Petit Chose ou de l’Arlésienne qu’on espère toujours et qu’on ne voit jamais ? Tous sont nés des souvenirs ou de l’imagination d’Alphonse Daudet.
L’auteur est né à Nîmes, dans une famille de tisserands-marchands soyeux, en 1840. Bien entendu, lorsque ses parents l’inscrivent à l’Institution CANIVET en 1847, c’est avant tout pour lui donner de bonnes bases de latin[1], sans savoir que l’enfant en tirera toute une carrière journalistique et littéraire. L’objet n’est pas, ici, de refaire toute la biographie ou la bibliographie de cet auteur, d’autres l’ont déjà fait et bien mieux que je ne pourrais le faire, y compris Alphonse Daudet lui-même ou son frère Ernest. Je me contenterai d’évoquer l’Institution CANIVET, souvent citée dans ces ouvrages mais rarement détaillée.
Un des biographes de l’enfance d’Alphonse Daudet, Marcel Bruyère, nous a donné quelques éléments sur le maître de l’institution [2]:
« Auguste Canivet, son Directeur, était né à Nîmes, en 1800. Pourvu du brevet de capacité, en 1824, et autorisé, conjointement avec l’Université, par l’Evêché de Nîmes à remplir les fonctions d’instituteur primaire, i1 avait ouvert plus tard une pension où il enseignait les éléments du latin, et à laquelle il adjoignit, en 1837, une école primaire. Sa pension comptait, en 1842, vingt-cinq élèves. Où se trouvait-elle ? Nous l’ignorons : de vieux nîmois consultés n’ayant pu nous renseigner à ce sujet. La pension Canivet était ouverte aussi bien aux protestants qu’aux catholiques.[3] »
Un autre passage de l’ouvrage nous donne une description physique des lieux et du maître de pension, tiré directement des mémoires d’Alphonse Daudet [4]:
« … la petite pension où j’ai été élevé, l’Institution Canivet avec sa cage à poules au fond de la cour plantée d’arbres ; une pension mêlée de catholiques et de huguenots ; des batailles ; le gros papa Canivet, un géant à perruque, redingote verte, sa plume derrière l’oreille »[5]
A noter que si on parle parfois de Pension Canivet, c’est peut-être par habitude de langage. En ce qui le concerne, Alphonse Daudet était externe et habitait alors tout à côté, à la fabrique paternelle, chemin d’Avignon.
Mais revenons à notre sujet principal. Il y a des dynasties princières, des dynasties d’industriels. Parfois on a aussi des dynasties d’instituteurs. Auguste CANIVET était petit-fils, fils, neveu, frère et cousin de maîtres d’école :
Voici pour la personne d’Auguste CANIVET. Reste à déterminer le lieu où il aura apporté sa petite pierre à l’édification des masses. Selon les recensements et divers actes d’état-civil, Auguste CANIVET habitait au 19 de la rue Colbert[6]. Etait-ce aussi le siège de l’Institution ? La cour intérieure peut laisser penser à une cour de récré. Mais, pour ceux qui souhaiteraient flâner dans Nîmes, autant vous prévenir que la façade actuelle[7] ne porte aucune plaque commémorative et ne permet pas de vérifier s’il y a bien une « cage à poules au fond de la cour plantée d’arbres ».
Christophe Canivet (Lignée 026)
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[1]Mon frère et moi : souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Ernest Daudet
[2]La Jeunesse d’Alphonse Daudet, par Marcel Bruyère (1955)
[3]N’oublions pas que Nîmes se trouve aux portes des Cévennes, où avait autrefois eu lieu la Révolte des Camisards. Les Daudet étaient catholiques. Marcel Bruyère cite un autre pensionnaire, Alphonse Louis Alfred ROSSET, né à Nîmes en 1836, qui lui était protestant. Mais, par erreur, Marcel Bruyère prétend que ce condisciple de Daudet deviendra le ministre de la guerre de la Commune de 1871. Le « communard » était Louis-Nathaniel Rossel, né en 1844 à Saint-Brieuc, même s’il descendait d’une famille nîmoise et sera enterré à Nîmes après son exécution. Daudet n’a donc pas défendu un condisciple mais seulement un compatriote, probablement apparenté au premier.
[4]Selon M. Bruyère, l’extrait est tiré de Lettres à un absent, par A. Daudet, dans Oeuvres complètes, T 3 p151, mais je ne l’ai pas trouvé dans la version de 1871 mise en ligne
[5]Le terme papa peut paraître bien affectueux. Mais il peut d’autant plus représenter une figure paternelle pour le petit Alphonse, qu’Auguste Canivet est à peine plus âgé que son père, Vincent Daudet étant né en 1806. A noter qu’ils décéderont tous les deux la même année, en 1875
[6]Le quantième figure sur l’acte de décès d’Auguste, mais il habite déjà cette rue lors des recensements de 1846 et 1851, tous ces documents étant disponibles sur le site des AM de Nîmes.
[7]C’est une propriété privée
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http://www.e-corpus.org/notices/notice_document_popup.php?notice_id=156344&document_id=2248986&lines=101105642
Dans une collection d’articles relatifs à la mort de Daudet, j’ai retrouvé celui du Petit Caporal du 22/12/1897, rédigé par un auteur (non identifié) qui fut lui aussi élève de Canivet et le décrit ainsi : “ce brave maître de pension, taillé en hercule, et qui exerçait sa profession chemin d’Avignon, non loin de la demeure où habitaient les Daudet avant leur départ pour Lyon”