Challenge AZ – U comme l’Usure du temps

montre

   « Avec le temps…

     Avec le temps, va, tout s’en va

     On oublie le visage et l’on oublie la voix… »

S’il est un ennemi du généalogiste, c’est bien l’usure du temps. Et Léo Ferré a si bien résumé ses ravages… La généalogie, pratiquée en amateur, n’a pour autre but que de garder une trace des individus des temps passés, pour aboutir à ce que nous sommes aujourd’hui. Enlevez le moindre de vos ancêtres, qu’il soit le meilleur ou le pire des êtres humains, vous n’auriez jamais vu le jour. Enlevez le fait le plus anodin de sa vie et vous négligerez peut-être ce qui a pu mener à ce que vous êtes aujourd’hui, qui vous êtes…

J’ai commencé à remonter mon arbre généalogique au temps jadis, quand il fallait cavaler de mairie en mairie, ou leur écrire en n’oubliant pas l’enveloppe timbrée en retour. C’étaient tantôt des extraits d’actes le plus souvent incomplets, tantôt des photocopies bien grasses et peu lisibles, voire des originaux qu’il fallait prendre garde de ne pas effriter dans mes jeunes doigts malhabiles. Puis, chance pour moi, ces archives communales ont été regroupées aux archives départementales, et microfilmées, quand j’arrivai au lycée puis à l’université. Je n’étais qu’à quelques centaines de mètres, et je pouvais filer assouvir ma passion dès la fin des cours.

On réduisait les trajets mais la méthode restait proche de celle des agents des siècles passés, chargés de la vérification des titres de noblesse. La copie étant longue est fastidieuse, la photocopie étant onéreuse pour une qualité médiocre, j’avançais au plus vite en négligeant les lignes collatérales. La recherche restait largement individuelle, surtout que les lecteurs de microfilms étaient rares. Je ne me rappelle même pas si les premières associations généalogiques étaient déjà constituées. La presse spécialisée se résumait à deux titres mais c’est dans l’un d’eux que j’ai découvert LA GRANDE FAMILLE CANIVET (GFC) qui venait d’organiser une de ses premières cousinades. Ça tombait bien, c’est mon patronyme. L’association me proposait une nouvelle manière d’opérer : les relevés systématiques de tous les porteurs de mon nom (et ses variantes) et la reconstitution de leurs arbres généalogiques sur de volumineux listings, tirés sur une imprimante à aiguille. La Belgique, patrie du fondateur de la GFC, y était à l’honneur et était déjà largement étudiée. Le Calvados, où est né mon arrière-grand-père, avait deux secteurs étudiés, l’extrême ouest, avec la branche noble des CANIVET de ROUGEFOSSE (dont les armoiries ont inspiré le blason de la GFC), et le Pays d’Auge à l’est. En revanche, tout était à faire pour ma branche.

Opérant (trop) seul, je suis certainement passé, à l’époque, à côté de sources pourtant consignées aux AD (les contrats de mariage et autres archives notariales, notamment). Mais n’oublions pas que mes recherches étaient une course contre la montre entre mes cours. N’étant pas paléographe, plus j’avançais dans le temps, plus je peinais à déchiffrer les écritures. Bien sur, comme partout ailleurs, les originaux se dégradaient ou disparaissaient avec le temps. Les facteurs à risques étaient multiples : mauvaise qualité de l’encre ou du papier, rongeurs, inondations, incendies, maladie du papier, perte des registres, vol… N’oublions pas non plus, que ma zone de recherche a été particulièrement sinistrée en 1944. Les plages du Débarquement n’étant qu’à quelques kilomètres, c’était la zone des plus durs combats. Les destructions n’épargnaient ni les mairies, ni les églises, ni les études notariales. Aux outrages du temps s’ajoutaient ceux de la guerre.

Mes diplômes en poche, la vie active enfin venue, je dus laisser de côté mes recherches généalogiques. Au bout de quelques années, un excès de temps libre m’a ramené à mes passions premières. Et, Révolution ! Internet était passé par là. La GFC a son site canivet.com. Les AD mettent de plus en plus d’actes en ligne, notamment les registres paroissiaux et d’état-civil. Finies la manipulation et l’inévitable dégradation subséquente des originaux. Finis les déplacements, sauf à vouloir consulter certains fonds spécialisés. Les associations se sont organisées, elles publient des relevés des registres et d’autres sources que j’ignorais il y a vingt ans, comme les recensements, les dispenses de consanguinité… Des sites comme Geneanet mettent en ligne des arbres entiers, même s’il faut toujours vérifier les hypothèses ainsi obtenues. Les lourds listings-papier de la GFC y sont devenus la simple page grfamcanivet. Alors qu’autrefois, il fallait tout lire,  un simple raccourci-clavier (CTRL + F) permet en une fraction de seconde d’y trouver une occurrence, à condition bien sûr que la branche en question ait été étudiée. Au passage, n’hésitez surtout pas à contacter notre sympathique et dévouée coordonnatrice pour la compléter.

Le gain de temps et d’énergie ainsi obtenu pour l’examen de l’état-civil permet alors de se pencher vers d’autres sources plus anecdotiques, au sens premier du terme. Comme personne n’avait approfondi ma branche pendant mes vingt ans d’absence, et que mes précédentes recherches avaient été bloquées par la disparition des sources d’état-civil, je désespérais d’en apprendre davantage sur la famille de mes ancêtres, simples paysans ou commerçants de campagne qui ne me semblaient pas laisser de trace de leur passage sur Terre au-delà de leurs naissance, mariage ou décès… Et puis, le challenge de ce mois de juin m’a reboosté. Je suis parti en quête d’anecdotes sur les CANIVET de l’ouest du Calvados par des moyens qui n’auraient pas été possibles sans internet. Ces sources existaient mais elles étaient confinées au fin fond des réserves des Archives, qu’il s’agisse d’ouvrages ou de presse ancienne, et étaient pratiquement inexploitables. Par Google Books, on a accès aux ouvrages du monde entier ou à des livres français conservés aux quatre coins du monde. Par le site de la BNF, on retrouve le travail de la plupart de nos auteurs d’autrefois. Et je n’oublierai pas  normannia.info qui  offre accès à la presse bas-normande d’avant 1945. Non seulement ces sites nous mettent ces documents en ligne mais surtout ils ont des moteurs de recherche qui nous amènent directement sur l’occurrence recherchée, nous épargnant des heures de lecture inutiles.

J’ai ainsi retrouvé quelques anecdotes qui m’ont renseigné sur le quotidien de certains de mes ancêtres directs ou de leurs proches parents. De fil en aiguille, ces petites histoires ont parfois rejoint la Grande Histoire. Je vous en ai proposé quelques épisodes dans le cadre du challenge de ce mois de juin, en espérant vous avoir quelque peu inspiré pour vos propres recherches. C’est ainsi que nous repousserons ensemble l’usure du temps, afin que les CANIVET des temps passés ne tombent pas dans l’oubli le plus total.

Auteur : C. Canivet (Lignée 026)

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source photo 1 : <a href=”http://www.photo-libre.fr”>Photos Libres</a>

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